Le mois de septembre réserve souvent de belles fenêtres météo qu’il faut savoir saisir pour partir à l’aventure avec comme seul mot d’ordre : prendre du plaisir et partager une belle virée entre potes. C’est ainsi que le samedi 17 septembre à 5h00 du matin nous nous sommes retrouvés 6 membres du Team Cyclosportissimo à l’altitude zéro “officielle” de la France. Cette côte symbolique est mesurée par le marégraphe de Marseille, monument unique en France construit en 1884.
Certes, en ce week-end des journées du patrimoine, notre visite n’avait pas vraiment de dimension culturelle, le marégraphe de Marseille étant le point de départ d’un raid “ascensionnel” censé nous conduire de l’altitude 0 à la plus haute route goudronnée de France à 2802 m d’altitude mesurée à la Cime de la Bonette. C’est à notre ami Cyrille, alias Cyssou, que l’on doit l’idée de ce raid en accord parfait avec l’esprit cyclo-baroudeur qui anime le Team Cyclosportissimo.
Après la photo traditionnelle pour immortaliser le départ de cette nouvelle aventure, nous nous élançons dans les rues de Marseille à la lueur de nos lampes et de l’éclairage public accompagnés de Hervé et Bruno venus parcourir une centaine de kilomètres en notre compagnie.
A cette heure ci nous sommes épargnés par la frénésie qui agite la citée phocéenne bien que le quartier du Vieux Port soit particulièrement animé par les fêtards de la nuit. Nous quittons donc sans encombre Marseille et rapidement, nous nous retrouvons au pied de la montée des Thermes, première mise en jambes de la longue journée qui nous attend. Une douce moiteur nous enveloppe. L’atmosphère est chargée d’humidité et quelques bancs de brouillard forment des halos blancs autour de nos lampes. A cette période, le jour tarde à se lever et ce qu’aux alentour de 7h que l’on commence à sortir de l’obscurité.
50 kms après le départ, nous effectuons une pause petit déjeuner à Trets sous un ciel très bas et dans une atmosphère qui semble plus fraîche mais le soleil ne semble plus très loin. Nous finirons par le trouver en nous rapprochant du Verdon.
Passé Gréoux les Bains, nous évoluons au cœur des Alpes de Haute Provence sur une route serpentant au milieu des champs de lavande. La température est désormais très agréable et le ciel d’un bleu parfaitement limpide. Une journée de rêve !
Après la longue traversée du plateau de Valensole suivie d’une rapide descente, la seconde difficulté du jour se présente : le col d’Espinouse et ses 838 m d’altitude. Rien de bien méchant compte tenu de ce qui nous attend d’autant que par son versant sud, cette ascension n’est guère difficile si ce n’est dans le dernier kilomètre où la pente se redresse un peu plus. Digne n’est plus très loin et nous décidons d’y faire une pause casse-croûte après avoir parcouru près de 180 kms.
Nous repartons parfaitement rassasiés en longeant la Bléone puis le Bés. On peut désormais parler de chaleur tant le soleil est rayonnant. Plus nous remontons le cours du Bès, plus la route devient étroite et la vallée encaissée jusqu’à atteindre la clue de Barles, site classé du Géoparc de Haute Provence pour son patrimoine géologique exceptionnel.
Quelques kilomètres plus loin, nous quittons cette vallée pour celle tout aussi encaissée de la Grave. Au dire de Cyssou, notre guide du jour, il s’agit d’un raccourci permettant de rejoindre Seyne les Alpes par un joli “petit col” perché à 1459 m d’altitude… Petit et joli certes mais avec quelques solides passages à 10 puis 14 % !
A Seyne les Alpes, nos compteurs affichent plus de 200 kms, 215 très exactement et il en reste encore 100 jusqu’au terme de notre périple à Saint Etienne de Tinée, mais un peu moins de 50 pour atteindre le pied de la Bonette.
Avant de nous engager dans la remontée de la vallée de l’Ubaye nous devons franchir le col Saint Jean, simple formalité, qui, en dehors du premier kilomètre après Seyne les Alpes ne présente aucune difficulté. L’après midi est bien entamée lorsque nous plongeons vers l’Ubaye et l’on commence à se demander si le sommet de la Bonette pourra être atteint avant la tombée de la nuit qui, à cette saison, arrive désormais très vite. A la faveur d’un vent qui souffle favorablement, la remontée de l’Ubaye s’effectue sur un rythme soutenu et à Jausiers, nous retrouvons la “légende locale” Alain Bellagamba.
Compte tenu de l’heure, 18h30, nous décidons de faire le plein au cas où nous arriverions trop tard à Saint Etienne de Tinée pour trouver de quoi manger. Nous décidons également de nous séparer en 2 “groupes”, Cyrille et moi-même accompagnés de Alain partant en éclaireurs alors que Hervé, Anne-Fred, Frédérik et Philippe prennent un peu plus de temps pour se refaire la cerise avant d’engager la longue ascension de la Bonette avec laquelle j’entretiens un lien si particulier depuis que je l’ai découverte lors de ma première traversée des Alpes du nord au sud.
Chacun a son ascension fétiche, celle qui vous procure des émotions uniques et intenses, renouvelées à chaque rendez-vous que l’on attend avec impatience. Depuis 1998, la Bonette est assurément ma madeleine de Proust, mon petit coin de paradis, ma route du bonheur, mon espace de liberté. Se hisser tout là haut à 2802 m d’altitude et s’incliner devant ce mégalithe tel un pèlerin en quête de rédemption est une délivrance absolue. Chacune de mes ascensions est différente et de celle de ce 18 septembre je garderai longtemps en mémoire la lune déchirant les nuages pour éclairer cette fameuse stèle perchée à 2802 m au dessus du marégraphe de Marseille d’où nous sommes partis près de 16h plus tôt…
Quelle formidable aventure nous venons de vivre et quel plaisir de partager ce moment unique en compagnie de Cyrille, mon compère du Team Cyclosportissimo à qui l’on doit l’idée géniale de ce raid et de Alain, qui compte plus de 350 ascensions de la Bonette et qui est devenu cet été le premier à inscrire son nom sur les tablettes de l’Ultra D+ Challenge qui consiste à boucler en moins de 24h 3 raids épiques inspirés par les 7 Majeurs aux côtés de l’Omomarto et de la Conquête des Ardennes.
Après nous être chaudement habillés pour la longue descente qui nous attend, Cyrille et moi laissons Alain repartir vers Jausiers alors que nous basculons vers la vallée de la Tinée. Ces instants sont magiques, la route nous appartient et les virages s’enchainent les uns aux autres à la seule lueur de nos éclairages qui forment parfois un écran blanc lorsque nous traversons quelques bancs de brouillard. Tout est si calme, si paisible, si loin de toute réalité…
Il est pratiquement 21h30 lorsque nous arrivons enfin à Saint Etienne de Tinée terme d’un périple de 315 kms et 5500 m de dénivelé.
Le lendemain, après une nuit réparatrice et un repas improvisé mais ô combien chaleureux au Rabuons, nous reprenons la route en direction de la mer pour terminer ce périple enfin en pente douce !
Participants :
- Cyrille Genel (initiateur du projet)
- Anne-Fred Muller
- Hervé Sabathé
- Philippe Dovergne
- Frédérik Jouravlenko
- Patrick Gilles
- Hervé Buisson (100 premiers kms)
- Bruno Baronnet (100 premiers kms)